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10 Sep

La crise du coronavirus affectera-t-elle l’industrie du capital-investissement ?

Comme l’annonce Bain, la seule réponse honnête est que personne ne sait vraiment. Pourtant, un examen attentif de l’impact des chocs économiques précédents peut fournir des indices sur la manière dont les fonds Private Equity (PE) et leurs employés se comporteront dans une période de contraction rapide.

Dans cet esprit, le cabinet a analysé comment la crise financière de 2008-2009 a affecté l’activité du secteur puis examiné ce qui était différent cette fois-ci.

Lors de la crise financière de 2008, le dealmaking a logiquement diminué de manière substantielle. Dans le sillage du choc soudain et imprévisible de la demande, les General Partners (associés en charge de la gestion et des investissements) cherchent avant tout à diagnostiquer la situation et sauver leurs participations en portefeuille.

Les vendeurs, quant à eux, hésitent à se séparer des actifs étant donné la forte baisse des valeurs des actions.

La combinaison de la volatilité extrême du marché et de l’incertitude entraîne rapidement un décalage dans les attentes des acheteurs et des vendeurs.

Cela perturbe les transactions.

Il faudra également du temps aux prêteurs pour déterminer comment évaluer le risque aujourd’hui. En effet, nous pouvons nous attendre à une inversion de l’environnement monétaire facile de ces dernières années.

En 2019, environ les trois-quarts de toutes les transactions ont été financées par de la dette à plus de six fois l’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) des cibles, contre 25 % en 2008.

À mesure que ces multiples d’endettement se compriment, les acheteurs devront compenser par plus de fonds propres pour conclure des affaires à court terme.

Au regard de leurs homologues étrangers, les fonds français auraient peu cédé aux sirènes de l’endettement facile et des acquisitions à prix record : d’après France Invest, l’endettement moyen des sociétés en portefeuille serait en moyenne de quatre fois le résultat opérationnel (Ebitda).

Et Wendel, qui compte encore une participation frappée par la crise de 2008 (Cromology), a fait état jeudi d’un endettement moyen de deux fois l’Ebitda lors de ses résultats.

Bien que ces facteurs suggèrent que l’activité de négociation et de prêt ralentira dans les mois à venir, il existe des différences importantes sur le marché actuel qui pourraient limiter le courant descendant de l’activité.

Premièrement, les fonds de PE ont un record de 2 500 milliards de dollars en capital non appelé (capital qu’une société a levé en émettant des actions ou des obligations, mais que la société n’a pas collecté, car elle n’a pas demandé de paiement) et sont prêts à les dépenser.

Cette réserve de cash obligera les investisseurs à rester à l’affût des transactions, d’autant plus que les évaluations (qui ont également établi de nouveaux records) reculent au milieu de la tourmente économique.

Le deuxième facteur est que les prêteurs privés pourraient combler une partie de l’écart laissé par les banques qui se retirent du marché du rachat.

Les fonds de dette privée sont apparus depuis la crise financière mondiale comme une force majeure sur le marché et ont plus de trois fois les actifs sous gestion qu’ils avaient en 2008, avec un capital important attendant d’être mis à contribution.

Ils pourraient fournir du financement pour de nouvelles transactions.

Ils contribueront également à fournir des liquidités aux entreprises qui connaissent des bouleversements à court terme.

Les sorties chuteront inévitablement et les périodes de détention de certains actifs se prolongeront, les vendeurs attendant que les marchés se redressent.

Cependant, l’activité pourrait ne pas baisser aussi fortement qu’en 2008 et 2009.

À cette époque, la majorité des transactions effectuées par les fonds de PE dataient d’environ deux ans, ce qui signifie que la plupart n’étaient pas suffisamment matures pour être vendues.

Aujourd’hui, l’industrie sort de nombreuses années consécutives de solides accords, et les investisseurs sont assis sur des actifs qu’ils devraient vendre bientôt sur un marché normal.

Ils ne sortiront pas si le prix n’est pas correct.

Néanmoins, il y a des raisons de penser que dès que les conditions de marché s’amélioreront, les sorties pourraient rebondir plus rapidement que nous ne l’avons vu après la crise des subprimes.

Quelle stratégie face à la crise ? (Source Xerfi)

Pour le savoir, des chercheurs ont observé la stratégie de 4.700 entreprises américaines pendant trois périodes de récession (du début des années 1980 au début des années 2000).

Les résultats de leur étude sont assez déprimants.

Lors de ces trois périodes de récession, 17 % des entreprises ont fait faillite.

Seules 9 % des entreprises « survivantes » sont sorties de la récession plus fortes qu’avant.

Comment ont-elles fait ? Plusieurs stratégies sont envisageables … mais seule l’une d’entre elles est optimale.

La stratégie défensive consiste avant tout à réduire les coûts et à geler les investissements.

Elle est très courante… mais peu efficace.

Les entreprises qui la mettent en œuvre ont seulement 21 % de chances de sortir d’une récession plus fortes qu’avant.

L’explication : cette stratégie démotive le personnel et détruit les ressources et les compétences de l’entreprise.

Lorsque la croissance est de retour, elle est affaiblie et elle ne parvient pas à « redémarrer ».

La stratégie offensive consiste à investir massivement sans réduire les coûts.

Les entreprises qui adoptent cette démarche profitent notamment de la morosité ambiante pour racheter de nombreux concurrents.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette approche donne de meilleurs résultats que la stratégie défensive.

Les entreprises qui la mettent en œuvre ont 26 % de chances de sortir d’une récession plus forte qu’avant.

La stratégie mixte consiste à jouer sur les deux tableaux.

L’entreprise réduit les coûts (pour accroître ses chances de survivre à la récession) et investit massivement (pour être prête à « redémarrer » après la récession).

Intellectuellement, cette stratégie fait sens.

En génère cependant des tensions fortes au sein des entreprises.

Il est toujours difficile de demander des sacrifices à certains, tout en accordant plus de moyens à d’autres.

En moyenne, les entreprises qui la mettent en œuvre ont 29 % de chances de sortir d’une récession plus forte qu’avant.

Si l’on rentre dans le détail, on constate qu’il existe trois manières de réduire les coûts (réduire les effectifs, améliorer l’efficience opérationnelle ou faire les deux) et trois manières d’investir (investir dans le marketing ou la R&D et racheter des concurrents).

Au total, on compte donc neuf combinaisons dont l’efficacité varie fortement.

La combinaison optimale consiste à réduire les coûts en accroissant l’efficience opérationnelle (plutôt qu’en réduisant les effectifs…), tout en effectuant les deux types d’investissements.

Les entreprises qui utilisent cette approche ont 37 % de chances de sortir d’une récession plus forte qu’avant.

Pour rebondir après une récession, une entreprise doit donc réduire ses coûts, mais pas uniquement.

Elle doit aussi continuer à investir …